Mesures de la salinité
1) Densimétrie
Les notions de densité et de masse volumique sont souvent sujettes à confusion.
- La masse volumique1 est une grandeur physique, notée ρ, qui caractérise la masse d’une substance par unité de volume. L’unité dans le SI est le kg.m-3. La valeur numérique est la même si on utilise le g.dm-3 (plus pratique)2. La masse volumique se mesure avec un pycnomètre.
La masse volumique de l’eau distillée (« pure ») varie avec la température et est égale à 1 kg.dm-3 à 3,98 °C . La masse volumique de l’EdM (EdM) à 20°C, pour une salinité de 35, est de 1.024,5 g.L-1. - La densité3 est le rapport de la masse volumique de l’EdM (EdM) à la masse volumique de l’eau distillée à 4°C prise comme référence. Cette grandeur n’a pas d’unité.
Pour une salinité de 35, à 20°C, la densité de l’EdM est de 1,02644.
En océanographie, la densité est assimilée à la masse volumique, de telle sorte que :
ρ = masse de 1 m3 d’eau de mer = 1000 x densité.
Que mesurer en pratique ?

Pour des travaux pratiques réalisés dans l’optique de RECYCLABS, le plus simple est de mesurer la masse volumique mais sans pesage. On la mesure à l’aide d’un densimètre comme illustré sur les figures ci-contre.
La technique utilisée est basée sur le principe bien connu d’Archimède5 :
« Tout corps plongé dans un liquide subit une force verticale égale au poids du volume de liquide déplacé ».
C’est ainsi que fonctionne le densimètre à flotteur6 : plus la masse volumique de l’eau dans laquelle on le plonge est élevée, moins il s’enfonce ; une échelle graduée préalablement calibrée permet de lire directement le résultat exprimé en densité. Toutefois, ce type de densimètre ou « hydrometer » en anglais, contrairement à la dénomination, ne mesure pas la densité théorique, mais le rapport des masses volumiques de l’eau testée à celle de l’eau distillée à une température d’étalonnage donnée (et non à 4°C!). Les densimètres sont en général étalonnés à 60°F (15,56°C) chez les anglo-saxons, 20°C ou 25°C dans le système métrique. A la température d’étalonnage, les densimètres mesurent 1,000 dans l’eau distillée. Une mesure n’est donc valide qu’à la température étalon, soit 25°C dans le cas présent.
Pour trouver la salinité de l’échantillon, deux méthodes sont possibles :
a) on utilise un abaque construit à l’aide d’une version simplifiée de l’équation d’état de l’EdM (EOS-80)7.
b) on utilise un convertisseur (programme informatique8) basé sur la même équation.

2) La réfractométrie
Principe:
La réfractométrie est une discipline de l’optique qui consiste à mesurer l’indice de réfraction d’une substance (milieu) transparente.
L’indice de réfraction de l’EdM varie en fonction de sa salinité et de sa température.
L’indice de réfraction (noté n) propre à cette substance se définit par le rapport de la vitesse de la lumière dans le vide (notée c) à la vitesse de la lumière dans la substance considérée (v).

n est toujours >1 puisque la vitesse de la lumière dans le vide est une constante qui ne peut être dépassée.
En pratique, on ne mesure pas la vitesse de propagation de la lumière dans le milieu considéré mais on évalue n d’après la deuxième loi de Snell-Descartes pour la réfraction :
La relation liant les indices de réfraction n1 et n2 de chacun des milieux et les angles incident θ1 et réfracté θ2, s’écrit :
n1 sin θ1 = n2 sin θ2
En aquariophilie et sciences de la mer, on utilise un réfractomètre basé sur le modèle d’Abbe9.
Ce type d’instrument peut être manuel ou digital et est en général portable.
Il s’agit d’un instrument d’optique dont la construction est assez complexe mais qui, d’un point de vue pédagogique, constitue une application élégante de sujets vus au cours de physique.

Dans le cas présent, il faut déterminer la salinité d’un échantillon d’eau de mer d’indice n en fonction de la mesure d’un angle de réfraction.
Quel est le lien entre cette mesure et l’indice n10?
Une goutte du liquide à tester (en jaune) est déposée sur un prisme d’indice n’ connu (en bleu). On éclaire le système avec une lumière monochromatique11 en incidence rasante. Un viseur en sortie de prisme permet de voir la limite (très nette) entre la plage sombre et la plage illuminée. En connaissant la position de cette limite et l’indice du prisme, on peut remonter à l’indice de l’échantillon.
Démonstration (voir figure ci-contre) :
On considère un prisme dont les caractéristiques sont connues (angle a du sommet et indice n’), situé dans l’air (d’indice 1) sur lequel on dépose une goutte d’échantillon inconnu (EdM d’indice n à déterminer). On considère également un rayon entrant en incidence rasante, c.-à-d. ≈ 90° par rapport à la normale au point d’incidence. En effet, si l’angle incident i1 est > 90° le rayon n’est plus réfracté, il est réfléchi (plage sombre) ; r1 est appelé « angle limite de réfraction » ou « angle critique ».
Si n’ > n, on a les égalités suivantes :
n sin(i1) = n’ sin(r1) ⇔ n = n’ sin(r1) car
sin (90°) = 1 et :



La mesure de la position du réticule est directement reliée à r2. La connaissance de r2 permet d’obtenir i2 .
Comme l’indice de réfraction de l’air = 1, sin(r2) = n’ sin(i2) et a – i2 = r1 car 180° = (90° – r1) + a + (90° – i2).


De plus, i2 et a donnent accès à r1, dont le sinus multiplié par n’ permet d’obtenir l’indice inconnu n.
Les réfractomètres sont conçus de manière à ce que la mesure optique de r2 affiche directement n sur un réticule gradué.
En ce qui concerne les réfractomètres spécifiquement conçus pour l’EdM, l’affichage est automatiquement converti en densité et en salinité (voir figure). La lecture s’effectue à la limite entre la zone bleue et incolore. A noter que la salinité se lit en ‰ (ppt = parts per thousand = g.kg-1) et que la densité est notée SG (Specific Gravity). L’instrument est en général étalonné à 20°C et possède un ATC (Automatic Temperature Compensation) car l’indice de réfraction est fonction de la température.
Il existe aussi des réfractomètres digitaux qui ne nécessitent pas de visée et affichent le résultat directement sur un écran, ceci dans les unités choisies.
Bien entendu, pour des mesures précises, ces deux types d’appareil doivent être préalablement calibrés.
parts per thousand : parties par millier
Automatic Temperature Compensation: compensation automatique de la température
3) La conductimétrie
Pour la théorie relative à le conductimétrie, voir Annexe 1.
L’utilisation de cette technique a été suggérée par le physicien danois Martin Knudsen (1871-1940) en 1908, mais ce n’est qu’en 1918 qu’un appareil fut réellement mis au point pour l’analyse de l’EdM12.
La mesure est basée sur la loi de Kohlrausch.
Comme pour toutes les autres mesures de la salinité, la conductivité de l’EdM est fonction de la température.
La mesure est assez simple à l’aide de conductimètres portables devant, comme tout instrument électronique, être calibrés.
Voici un tableau de conversion salinité/conductivité/densité à 25°C.


Il est aussi possible d’utiliser un « calculateur » informatisé très précis basé sur l’équation d’état de l’eau de mer. Ce type de convertisseur est disponible en ligne sur différents sites d’aquariophile marine13.
A noter que seule la salinité est indépendante de la température ; en effet, il y a toujours la même quantité de matière (sels) dans 1 kg (masse) d’eau de mer, quelle que soit la température.
Notes & Références
- Attention ! En anglais, masse volumique se traduit par « density » !
- Ou g.L-1 ; ne pas confondre avec une concentration ! Le kg.L-1 évite la confusion.
- Attention ! En anglais, densité se traduit par « specific gravity » !
- La masse volumique et la densité sont également fonction de la profondeur (pression) à laquelle se fait la mesure.
- https://www.rudyv.be/Aquarium/Articles/Salinite.pdf
- Employé couramment en aquariophilie.
- http://www.recif-france.com/Articles/Debuter/Salinite.html
- https://www.cap-recifal.com/calculateurs/salinite_mv.html/
- Ernst Karl Abbe (1840 – 1905) est un physicien et un industriel allemand, contemporain de l’ingénieur-opticien allemand Carl Zeiss (1816-1880)
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Réfractométrie
- À une longueur d’onde précise ou en lumière blanche moyennant certaines adaptations techniques.
- An electrical instrument for recording seawater salinity. Ernest E. Weibel and Albert L. Thuras. Journal of the Washington Academy of Sciences, Vol. 8, No. 6 ( 1918), pp. 145-153.
- https://recifalnews.fr/2016/12/conversions-entre-salinite-masse-volumique-conductivite/
